Comme tous les matins, Marina partit en direction du lac où elle se lavait. Le chemin tortueux de la forêt, les gazouillis des oiseaux à l'aurore, les perles de pluie tombaient des feuilles des grands chênes, la protégeant d'une quelconque averse, cela était son quotidien matinal.
Arrivée au lac, elle regarda aux alentours, comme à son habitude, au cas où des personnes mal-intentionnées viendraient en profiter, bien qu'elle doutait que son corps encore en développement puisse en faire rêver certains. Mais tout de même, elle aimait garder son intimité pour elle seule. Alors elle commença à faire le tour de l'étendue d'eau, en prenant soin d'observer chaque coin sombre et chaque éventuelle cachette. Lorsqu'elle avait bien vérifié que personne n'était présent, elle enleva son haut à côté de son sac de randonnée, son bas, ses sous-vêtements et ses chaussures. La voilà nue comme un vers, se précipitant dans l'eau pour profiter de la température matinale. Quelques poissons lui chatouillaient les pieds, en passant sous ses jambes. Certains s'arrêtaient pour observer cette grande créature, d'autres passaient sans y faire attention. Cette communion avec la Nature lui faisait le plus grand bien, elle qui aimait les animaux et toutes faunes sous-marine.
Elle nagea dans ce grand bassin, tranquillement, jusqu'au centre du lac, sans grande inquiétude. Elle se rendit compte que ses pieds n'atteignaient pas le fond, mais elle s'en fichait, elle qui s'était retrouvée nez à nez avec poissons et eau naturelle. Certes, l'eau n'était pas vraiment chaude, mais les rayons du Soleil matinaux commençaient à apparaître à travers les feuilles des arbres, ce qui projeta les ombres sur les vaguelettes du lac.
Elle regarda la rive, et se dit qu'elle devrait retourner sur la terre ferme, elle n'avait pas vraiment le temps de rester, elle devait encore trouver de la nourriture. Elle débuta alors sa nage jusqu'à l'endroit où elle pourrait marcher. Mais plus elle nagea, plus elle se fatigua et elle se rendit vite compte qu'elle n'avançait plus, pas même de quelques mètres, comme si une force invisible la retenait à sa place.
"Marina, calme-toi, rien ne sert de paniquer, essaya-t-elle de se rassurer, en vain."
En effet, elle était toujours paniquée car elle se priva de plus en plus de force en nageant encore et encore. Et pourtant, sa détresse était contradictoire avec le cadre naturel. Les oiseaux gazouillaient toujours, les branches des arbres se balançaient doucement, le Soleil un peu plus haut dans le ciel, comme pour regarder la chute de Marina, tout en l'aveuglant de ses rayons. Marina s'arrêta de nager, incapable de faire d'autres mouvements, fatiguée. Sa vue était endommagée par la lumière naissante du matin, elle ne voyait plus la rive. L'eau devenait de plus en plus froide, ses muscles de plus en plus engourdis, la panique et l'angoisse avaient rendu sa bouche pâteuse, elle avait soif. Elle regarda l'eau et remarqua qu'aucuns poissons ne s'approchaient d'elle, tous étaient autour mais certainement pas à ses côtés. La soif l'obligea à s'enfoncer sous la surface et à boire l'eau, qu'elle jugea poisseuse. Lorsqu'elle fut désaltérée, elle voulut remonter, mais sans succès. Elle était privée d'air, de vie. Elle se remit à paniquer, ne comprenant pas pourquoi elle n'arrivait pas à sortir de l'eau. Elle regarda autour d'elle, les poissons s'étaient arrêtés pour la regarder se noyer, ils avaient formé un cercle tout autour d'elle. Elle ne comprenait plus et avait de plus en plus de mal à rester éveillée. Elle ne pouvait plus respirer, les dernières bulles d'air s'échappaient de sa bouche. Elle s'enfonça dans l'eau, les poissons toujours autour d'elle, avec de moins en moins de lumière. Elle avait l'impression qu'il n'y avait pas de fond, elle s'enfonça toujours plus, avec toujours moins de lucidité due au fait qu'elle ne pouvait plus respirer. Une sorte d'Alice au Pays de Merveilles, mais dans l'eau, avec un mal fou pour continuer de vivre. Elle ferma les yeux, incapable de regarder les poissons qui l'observaient avant de mourir. Peut-être allaient-ils même dévorer son cadavre. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle ne pouvait plus remonter à la surface, l'eau étant devenue trop lourde et la pression trop élevée. Sa poitrine ne se soulevait plus...
Et elle s'étouffa, respira, ouvrit les yeux de surprise et d'incompréhension sur les événements. Elle était adossée à un arbre et écarquilla les yeux, embués de larmes. Elle observa les alentours. C'était la nuit, on entendait les grillons chanter et la fraîcheur lui rappela celle de l'eau. Son souffle se calma petit à petit, lorsqu'elle comprit la situation.
"Bon sang, encore un cauchemar, soupira-t-elle de soulagement mais aussi de lassitude."
Elle s'enroula plus confortablement dans sa couverture, et regarda le ciel avec une respiration plus lente qu'au réveil. Elle déglutit et se dit qu'elle devait dormir, quand bien même elle faisait un nouveau cauchemar. Alors elle ferma les yeux.