NOSTALGIA
[with Slike]
L'ENNUIE TUE -L'ennuie tue CILL affalée dans un canapé déchiré, balançant sa jambe dans le vide. Son regard dilaté fixe le plafond et des idées éparses qui s'évapore de la fumée. Ça sent le renfermé, ça sentirait presque la mort mais CILL s'y est faite. La première fois qu'elle était entrée, elle avait trouvé les corps quasi-décomposés d'un jeune couple d'une trentaine d'année, et celui d'un bébé, mort de faim sûrement. Elle a tout jeté par la fenêtre, mais l'odeur avait déjà imprégné les murs et les tissus. Faire ce genre de "rangement" est lassant pour CILL plus que désagréable. Ranger des morts, on s'y fait rapidement. C'est le passage obligé lorsque l'on signe le contrat du survivant lors de l'apocalypse...
L'appartement, vaste, aurait sûrement été agréable à vivre dans un autre contexte. CILL n'aurait jamais eu la change ni les moyens de s'en payer un pareil, alors elle profite de la situation. C'est son nid à présent, son habitat de fortune qu'elle a emménagé pour l'occasion. Difficile de dire qu'il y ait un effort de "décoration", CILL n'est pas doué pour le superflus, mais la personnalité déséquilibrée de la jeune adulte se faisait peu à peu une place sur les murs, l'agencement des meubles, et tous les petits objets éparpillés dans les pièces, destinés à soulager les tremblements excessifs qui envahissait parfois son faible corps. Mais...
L'ENNUIE TUE -CILL n'est pas sortie depuis cinq jours. Rien n'est arrivé. Pas de rencontres imprévues qui pourraient mettre en danger son existence et la forcerait à bouger son cul minuscule... Pas de famine, les boîtes de conserves s'entassent merveilleusement dans le frigo qui ne marche plus... Presque pas de crise, dues au manque. Rien... CILL regardait le temps s'écouler en fumant une cigarette en une heure, lentement... Appréciant... La fumée qui ronge ses poumons...
Que c'est bon... et bien souvent, elle s'endort pour se réveiller en sursaut tout de suite après. Pour regarder autour d'elle, la nuque ensanglantée de sueur
OÙ SUIS-JE ? À peine pose-t-elle la question, que tout lui revient en mémoire... Toute son existence, sans exception, pour arriver au présent.
Dans ce merdier.Son cou trempé la fait frissonner. CILL passe sa main derrière ses cheveux. À la recherche d'air, sa poitrine fait de grand bond en avant et se calme peu à peu. Puis tout reprend, s'accélère lorsqu'elle entend un bruit sourd venir de la porte. La porte a claqué, et ce n'est pas la faute d'un courant d'air. CILL a peur, mais est surtout énervée.
Quelqu'un est entré ! De TOUTES les portes a ouvrir, il fallait que l'on choisisse celle-là... CILL ne reste pas immobile bien longtemps. La frousse passe après l'instinct implacable de survie.
Tout est prévu. Il y a un flingue posé sur la petite table basse. CILL l'a maintenant entre les mains et s'avance vers le fin couloir d'entrée. Elle tremble un peu. Mais son regard perçant est assuré, virulent. Personne n'entre sur son territoire. Elle n'a pas l'intention de tirer, un coup de feu s'entend trop et attire l'attention. Mais la vue d'un pistolet se révèle persuasif. Elle s'approche, habillée par la pénombre. Il y a bien quelqu'un. Quelqu'un qui respire fort. CILL n'appelle pas, elle fait encore quelques pas en essayant de distinguer la forme dans l'obscurité.
Une respiration haletante évoquant la fuite, grave, celle d'un garçon surement. Un adulte puisqu'il fuit... Un homme, adulte. CILL n'aime pas. Elle pourrait tirer, finalement. L'homme est assis contre la porte, fatigué. CILL fronce les sourcils, distingue des cheveux incroyablement blanc. Original... Puisqu'ils poussent sur un corps jeune. Il lève ses yeux vers elle, la dévisage sans parvenir à tout à fait la voir. CILL a un léger mouvement de recule. Elle reconnait plus ou moins cet air détaché et las. Comme s'il n'était pas là, comme s'il ne la regardait pas tout à fait.
-Mais qu'est-ce que tu fous là ?Elle pointe l'arme avec fermeté pour que le jeune homme puisse la distinguer malgré le noir. CILL est énervée. CILL est vraiment sur les nerfs. De tous,
il a du rentrer chez elle. De tous,
il a survécu. CILL perd patience.
-Aller bouge, dégage, c'est pas ouvert aux gens comme toi. DÉGAGE.